L'électricité : la solution pour décarboner l'économie ? - Maxence Cordiez
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Expert de l'énergie et de l'électricité, top voice de LinkedIn, Maxence Cordiez revient pour De Gré ou de Force sur son parcours, sur le rôle de la vulgarisation des enjeux liés à l'énergie et sur la responsabilité des politiques dans la modification des systèmes énergétiques et l'atteinte des objectifs climatiques.
Il s’agit du 2ème épisode d’une série de 3.
Sommes-nous entrés dans « l’âge d’or de l’électricité » ?
L’électrification semble promise à un essor important. L’électricité est en effet le vecteur énergétique le plus facile à décarboner, notamment grâce au déploiement des EnR.
En France, l’électricité compte pour 25% de l’énergie finale consommée et la stratégie nationale bas-carbone envisage 55% à 60% d’électricité dans le bouquet énergétique pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Cependant, l’électrification n’est pas la panacée :
Nous aurons besoin de molécules bas-carbone comme le biogaz pour les secteurs difficiles à électrifier (ex: l’industrie), avec des limites sur la disponibilité en volume et le coût de ces molécules.
Dans certains pays en développement, l’électricité bas-carbone vient seulement superposer à la consommation d’énergies fossiles au lieu de s’y substituer (heureusement pas en Europe, où l’on constate une réelle substitution).
L’une des caractéristiques de l’électricité est de nécessiter de gros investissements de départ (le coût d’un réacteur nucléaire comme l’EPR de Flamanville se chiffre en milliards d’euros - 19 selon la Cour des Comptes), d’où une barrière de financement qui peut ralentir le déploiement de l’électrification.
Pour soutenir la décarbonation de l’économie européenne :
1) l’Union Européenne devrait soutenir les entreprises bien davantage qu’elle ne le fait aujourd’hui, notamment lorsque l’on observe les politiques énergétiques menées en Chine et aux Etats-Unis. Il est urgent de soutenir nos entreprises dans le secteur des batteries, du nucléaire, des éoliennes, des pompes à chaleur…Faute de quoi nous risquons de connaître un scénario semblable à celui qui a frappé le secteur du solaire photovoltaïque, où l’industrie européenne a perdu la bataille face à la puissance chinoise.
2) L’application d’un mécanisme robuste d’ajustement carbone aux frontières couvrant la totalité des secteurs de l’économie en profondeur pourrait permettre de soutenir la compétitivité des industries européennes en ajoutant un prix du carbone aux produits importés et en permettant aux exportateurs européens de jouer sur un pied d’égalité avec leurs concurrents étrangers.
3) Tous les leviers disponibles devront être mobilisés pour atteindre la neutralité carbone, d’où la nécessité d’une neutralité dans les choix technologiques. On ne décarbonera pas Malte de la même manière que la République Tchèque ou la France. Il faut donc redonner des degrés de liberté aux Etats-Membres afin qu’ils mettent en place des politiques adaptées à leurs besoins et à leurs ressources et que l’on puisse mobiliser tous les leviers de décarbonation disponibles.
La transition va coûter cher, d’où la nécessité de faire un effort d’efficacité dans la dépense.
En attendant l’électrification à grande échelle, la sécurité énergétique passera par la sécurisation de volumes d’énergie à des prix compétitifs et par des efforts d’efficacité et de sobriété soutenus par une fiscalité incitative.
L’augmentation des prix des énergies fossiles peut également présenter des opportunité : lors du premier choc pétrolier, l’industrie automobile européenne avait par exemple pris des parts de marché à l’industrie américaine, aux véhicules plus gourmands en carburant.
En se positionnant dès aujourd’hui en champion de l’électricité bas-carbone, l’Europe peut se positionner en avance de phase sur les marchés de demain, et ainsi renforcer sa compétitivité.