Édouard Bizimana (MAE): «Le Burundi est prêt à user de tous les moyens pour protéger sa population»
Les États-Unis et les grands pays européens appellent les rebelles du M23 et l'armée rwandaise à « cesser immédiatement » leur offensive sur Uvira, en République démocratique du Congo. Le Burundi, qui a dépêché des troupes au Congo pour défendre Uvira, est inquiet. « Ce qui menace Uvira menace aussi Bujumbura », affirme ce matin sur RFI Edouard Bizimana, le ministre burundais des Affaires étrangères, qui ajoute que son pays est « prêt à user de tous les moyens pour protéger ses frontières », et empêcher la chute de la grande cité congolaise. « Toutes les options sont sur la table », dit-il. En ligne de Bujumbura, le chef de la diplomatie burundaise répond aux questions de Christophe Boisbouvier. Monsieur le ministre Édouard Bizimana est-ce que vous pensez que la ville d’Uvira est menacée ? Édouard Bizimana : oui, la ville d’Uvira est menacée depuis le 2 décembre quand ils ont intensifié les combats. Bien sûr, c'était avec le renfort venu du Rwanda. On a vu des camions remplis de militaires. La première fois 17 camions remplis, la deuxième fois 22 camions remplis qui traversaient Bugarama, une localité du Rwanda pour aller vers la frontière congolaise. Et ils ont aussi utilisé des armes lourdes, de l'artillerie et des drones kamikazes, des drones de fabrication turque. Mais du côté des FARDC et de votre task force, il n'y a pas de drones ? Ah ça, je ne sais pas, je ne suis pas sur le terrain. Donc, ce que vous nous dites, c'est que les assaillants ont une supériorité aérienne, c'est ça ? Bon, ce n'est pas ce que je veux dire, mais ce que nous regrettons, c'est que ce sont des armes qui tuent à l'aveuglette. Ils ont lancé les bombes sur les populations civiles, qui ont obligé les gens à fuir les localités. Donc nous avons maintenant beaucoup, beaucoup de réfugiés qui affluent vers le Burundi. Et pour ces réfugiés qui fuient vers le Burundi, est-ce que la frontière est ouverte ? Oui, la frontière est ouverte et nous avons déjà depuis trois jours enregistré plus de 30 mille réfugiés et demandeurs d'asile. Alors la ville congolaise d’Uvira est à quelque 20 kilomètres à peine de la capitale économique du Burundi, Bujumbura. Si les rebelles et leurs alliés rwandais entrent dans Uvira, vous réagirez comment ? En tout cas, toutes les options sont sur la table. Parce que Uvira et Bujumbura, ce sont des villes côtières. Et ce qui menace Uvira menace aussi Bujumbura. Donc le Burundi est prêt à user de tous les moyens pour protéger sa population et ses frontières. Et pourquoi dites-vous que ce qui menace Uvira menace aussi Bujumbura ? Parce que les deux villes sont très proches, ce sont deux villes jumelles au bord du lac Tanganyika, c'est ça ? Oui, oui, c'est ça. C'est ça. De Bujumbura, vous voyez l'autre côté de la rive et Uvira est là, et d’Uvira, vous voyez Bujumbura. Et donc c'est à quelques minutes de conduite par la route, si vous voulez. Et dans cette hypothèse là, vous estimez que vos intérêts vitaux seraient menacés ? Oui, bien sûr, nous serions menacés. Dans cette hypothèse, la capitale économique sera menacée et les mouvements des biens et des personnes entre nos deux pays seront perturbés. Et le flux des réfugiés, bien sûr, avec la pression que cela exerce sur les ressources que nous avons. Donc là, c'est une menace directe sur le Burundi. Parce que vous craignez peut-être l'arrivée au Burundi de dizaines de milliers de civils fuyant la ville d’Uvira. C'est ça ? Oui, oui, ils sont déjà en train de fuir. Et puis quand les gens fuient, même si vous faites le contrôle, il peut y avoir des malfaiteurs qui se cachent dedans, ou même des combattants qui se cachent dedans, pour en fait servir d'éclaireurs sur le sol burundais. Donc les enregistrements s'accompagnent de vérification minutieuse pour justement éviter qu'il y ait des gens armés qui puissent se faufiler entre les réfugiés. Et vous dites que, en cas de prise d’Uvira, vous prendrez toutes les mesures nécessaires. Lesquelles ? Ici, je ne peux pas donner les détails, mais toutes les options sont sur la table. Option militaire ou option politique ? Le tout. Parce que déjà, sur le plan militaire, vous êtes sur le terrain congolais. Qu'est-ce que vous pouvez faire de plus ? On est sur le terrain congolais, mais toutes les ressources n'ont pas été déployées. Peut-être qu’il y aura des mesures supplémentaires. Vous avez des troupes en réserve ? Vous savez, toute l'armée burundaise n'est pas en RDC. Ça ne peut pas se faire. Mais s'il le faut, il y aura des renforts burundais qui traverseront la frontière vers le Congo. C'est ça que vous nous dites ? Oui, j'ai dit que toutes les options sont sur la table. S'il faut des renforts, s'il faut quoi que ce soit, tout est sur table. Et je pense que aussi, si le président Trump croit à l’accord signé le 4 décembre à Washington, et vous le savez, les Etats-Unis, c'est une grande puissance, quand les Etats-Unis parlent, je crois que c'est difficile de fermer les yeux ou de se boucher les oreilles. Donc, il suffirait que les Etats-Unis mettent un peu de pression sur Kagamé. Je pense que le reste va se résoudre parce que le M23 sans Kagamé, sans le Rwanda, ce n'est rien. Et pratiquement, le Rwanda est devenu un facteur de déstabilisation. Et concrètement, dans les deux ou trois jours qui viennent., qu'est-ce que vous attendez de Donald Trump ? Non, c'est à lui de décider. C'est à lui de décider comment le faire. Parce que si l'accord du 4 décembre est signé et qu'il n'est pas appliqué alors que c'est lui qui avait fait les efforts pour convaincre les deux chefs d'Etat à se rendre à Washington pour signer, si ça reste dans les tiroirs, donc, je pense que ça serait aussi une humiliation pour les Américains. Edouard Bizimana, je vous remercie. À lire aussiRDC: au Sud-Kivu, l'accord de paix de Washington reste un lointain mirage À lire aussiEst de la RDC: au Sud-Kivu, le front se déplace en direction de la deuxième ville de la province